Premier cours en Hakama pour Zakaria et Joe !
Nos petits samouraïs deviennent grands! Nos deux ados pratiquants dans notre club depuis l'enfqnce ont passés avec succès le 3°Kyu en juin dernier les autorisants à porter le HAKAMA.
Signe d'implication dans la discipline, reconnaissance d'une anciennté et d'un niveau technique, le port du hakama est le pallier symbolique précédent le Shodan.
Félicitations à eux et surtout tous nos encouragements pour la suite!
Mais d'ailleurs, quel est la symbolique du Hakama en Aïkido?
Nous vous proposons des éléments de réponse via un Article de Guillaune ERARD
Histoire du hakama
Le
Hakama est un vêtement traditionnel japonais qui fut a l’origine porté
par-dessus le kimono par les hommes des classes supérieures de la
société japonaise. Les spécialistes pensent que l’origine du hakama
remonte plus loin que cela, dès l’ère Heian (794-1185), lorsque les
femmes de la cour impériale prirent pour habitude de porter sous leur
kimono de longues culottes dont le nouage rappelle celui du hakama
d’aujourd’hui. Un peu plus tard dans la même ère, ce sont les hommes qui
commencèrent à porter le kariginu et le suikan, et tous deux
comportaient des pantalons en forme de robe. À partir du début de la
période de Kamakura (1185-1332), les hommes à cheval appartenant aux
classes guerrières commencèrent à porter des hakama aux jambes séparées
dont la fonction était de protéger les jambes des cavaliers contre les
buissons et feuillages. C’est à partir de ce moment que le port du
hakama commença à se répandre dans les hautes couches de la société
nippone, adoptant une très grande variété de formes, tissus, et
longueurs. En particulier, le nombre de plis à l’avant et à l’arrière
pouvait être très variable. Peu de temps après, le port du hakama s’est
généralisé aux couches inférieures de la société, commençant avec les
soldats à pied qui portaient le momohiki attaché aux mollets, puis dans
la population civile chez les lettrés et les marchands. Les travailleurs
des champs eurent aussi leur propre version du hakama, le nobakama.
Au fur et à mesure que l’influence occidentale prit pied au Japon, le
port du hakama devint relégué uniquement aux événements formels
(cérémonies religieuses, mariages, etc.) et il ne resta un élément de
l’habit de tous les jours que chez les prêtres et les pratiquants d’arts
martiaux.
Hakama comme symbole de rang
Dans la plupart des kobudo, mais aussi dans les gendai-budo
comme le iaido, le kyudo, et le naginatado, le hakama a toujours été
porté par tous, et dès le premier jour de pratique. Ceci est d’ailleurs
toujours le cas aujourd’hui dans la plupart des disciplines précitées.
Sachant qu’à part dans un nombre réduit de disciplines, le pantalon de
keikogi ne se porte pas sous le hakama, il est assez facile de
comprendre pourquoi aucun pratiquant n’oserait venir au dojo sans son
hakama. Il existe un nombre conséquent de témoignages de professeurs
reconnus qui disent qu’avant la Seconde Guerre mondiale, le port du
hakama était également obligatoire en Daito-ryu mais aussi en aikido
(sachant que les deux groupes n’étaient pas encore distincts a
l’époque).
Cependant, à cause de la pauvreté généralisée qui engloba le Japon
après la guerre, certaines écoles décidèrent de soulager leurs élèves du
fardeau d’avoir à se procurer un hakama durant leurs premières années
de pratique. Le temps passant, cette dérogation devint une règle,
jusqu’au point où le port du hakama devint de « non obligatoire jusqu’à
tel grade » à « interdit avant tel grade ». Il est intéressant de noter
que des écoles telles que le Yoshinkan de Shioda Gozo sont allées encore
plus loin en interdisant le port du hakama avant le quatrième Dan,
alors que d’autres, en judo et jujutsu en particulier, en ont
pratiquement abandonné le port à part durant les kata ou les travaux aux
armes.
Le temps passant, il est donc compréhensible que le port du hakama
soit devenu associé à la notion de rang. Le système de grades Dan étant
une invention récente (1883) du fondateur du Judo Kano Jigoro
(1860–1938) qui fut ensuite adoptée par d’autres arts martiaux dont le
Daito-ryu aiki-jujutsu, l’aikido, le iaido et beaucoup d’autres encore,
il semble raisonnable de penser que le lien entre le port du hakama et
un grade soit apparu à peu près à ce moment là. Il ne semble donc rien
avoir de « traditionnel » ni dans l’un, ni dans l’autre. Ce changement
est en fait assez bien documenté en ce qui concerne l’aikido, et étant
donné les liens très étroits qui existaient avant-guerre entre les
élèves de Ueshiba Morihei,
Takuma Hisa, et Takeda Tokimune, il semble logique de penser que le
Takumakai a adopté les mêmes règles que les deux autres écoles en ce qui
concerne les grades et le port du hakama, même si je n’ai pas été en
mesure de retrouver des documents attestant formellement de ce
changement. On sait par contre que certains cadres du Takumakai dont Chiba Tsugutaka et Kobayashi Kiyohiro
Okabayashi ont été envoyés à Hokkaido par Takuma Hisa afin d’étudier
avec Takeda Tokimune sensei, et qu’à leur retour, ces deux enseignants
ont infusé le Takumakai avec un certain nombre d’usages initialement en
vigueur dans le groupe d’Hokkaido.
Quelle que soit l’historicité du lien entre l’habit et le grade,
celui-ci peut tout de même être à l’origine d’un certain nombre de
notions intéressantes à propos desquelles le pratiquant de Daito-ryu
aiki-jujutsu peut réfléchir lorsqu’il enfile son hakama pour la première
fois. Tout d’abord, historiquement parlant, le hakama était
initialement et incontestablement une marque de statut pour les nobles
de la classe samourai, et si on se place dans ce contexte, on peut donc
considérer l’association entre rang et hakama comme un retour à la
normale, en particulier puisque le système de Dan est calqué sur celui
des grades dans l’armée.
Une autre interprétation qui pour moi semble avoir plus de valeur est
le fait que le niveau de shodan, bien loin d’être synonyme d’un
quelconque degré de maîtrise, est en fait littéralement le « grade de
départ ». On peut donc dire que c’est uniquement à partir du shodan que
le pratiquant commence réellement son étude du Daito-ryu aiki-jujutsu.
Avant cela, il n’est même pas considéré comme membre de l’école à part
entière. Le serment que l’on fait en recevant le shodan confirme la
signification de ce grade comme réel moment d’entrée dans une école. On
peut donc voir le port du hakama comme une extériorisation du fait que
quelqu’un est formellement intégré dans une lignée sur le chemin de
l’Aiki. Le hakama qui est attribué au yudansha illustre donc plus un
sens de responsabilité que celui d’une distinction.
Couleur et forme du hakama
Pour
des raisons pratiques évidentes, le hakama principalement porté par les
pratiquants d’arts martiaux est le umanori puisqu’il dispose de jambes
séparées. Certains ko-ryu lui préfèrent le port du nobakama qui possède
la même structure, mais des sections de jambes plus étroites et donc
plus commodes pour bouger. Une exception concerne certaines écoles de
kyudo où les femmes portent le hakama sans jambes séparées, le andon
bakama. En aucun cas le hakama est-il supposé cacher le mouvement des
jambes, celui-ci fut-il d’ailleurs souvent retroussé ou attaché par les
samourai aux cours de batailles ou de duels.
Bien que le livre officiel du Takumakai ne mentionne pas la forme du
hakama, le port du umanori semble être généralisé au sein de notre
école, au même titre que dans beaucoup d’autres ko-ryu. Il est par
contre explicitement écrit que les pratiquants à partir du shodan et
au-dessus doivent porter un hakama bleu, alors que les shihan, kyoju
dairi et shibucho portent le noir. Ceci est une spécificité de notre
école et beaucoup d’autres ko-ryu ont une approche beaucoup plus souple
en termes de couleur et forme du hakama. En Toda-ha Buko-ryu, le style
de hakama umanori est la norme, mais les couleurs comme le blanc, bleu,
et noir sont acceptables, alors qu’au Shinbukan de Kuroda sensei,
n’importe quelle couleur ou quel style est acceptable. Au Kobukan
Dojo de Ueshiba Morihei avant-guerre, il semble que le port du hakama
blanc ait été autorisé. Il est dit que Nakayama Hakudo, le fondateur du
Muso Shinden Ryu, demandait à ses élèves de porter des hakama blancs
afin de pouvoir plus facilement s’assurer de leur hygiène.
Historiquement parlant, il semble évident que la couleur bleue était
bien plus répandue que le noir car beaucoup moins couteuse à produire.
La teinture à l’indigo aizome était effectivement très largement
utilisée pour la fabrication de vêtements traditionnels, dont les
hakama. Le noir n’a commencé à se répandre globalement qu’à partir de
l’introduction des teintures et tissus synthétiques.
Je
n’ai pas réussi à trouver d’informations sur une éventuelle
signification particulière de la couleur du hakama, mais certains points
de réflexion sur l’aspect du hakama valent certainement que l’on s’y
arrête. D’un point de vue général, le hakama sert de lien entre le
pratiquant contemporain, étranger ou domestique, et la culture
traditionnelle japonaise. L’ensemble des rituels associés avec le port
du hakama me semble avoir une importance particulière. Le nouage du
hakama au début de la pratique sert de portail d’entrée dans un état
esprit approprié à la pratique du Daito-ryu, et le pliage intriqué à la
fin du cours permet de préserver sa forme et est aussi utile comme
moment de calme, presque de méditation, avant un retour à la vie
ordinaire. La forme complexe et la couleur du hakama sont donc
directement liées au soin que le pratiquant porte à son vêtement et par
conséquent, l’aspect de son hakama peut en dire long sur l’état d’esprit
d’un pratiquant. Tout pratiquant qui se respecte prendra donc grand
soin de son uniforme afin de projeter une bonne image de lui-même, de
son professeur, et de son école.
Puisque le hakama nous vient de la noblesse, il porte avec lui une
certaine dignité et un sens des responsabilités. Il est évident qu’un
pratiquant qui porte le hakama ne se tient et ne se déplace pas de la
même façon que sans, on appelle ça le hakama sabaki. L’écoulement fluide
du tissu encourage l’écoulement des mouvements et des déplacements, et
il existe un parallèle intéressant entre l’écoulement du ki et celui du
tissu. J’ai aussi souvent entendu parler d’instructeurs réprimandant
leurs élèves lorsque ceux-ci étaient débraillés à la fin d’un cours,
leur disant que le fait que leur hakama soit défait montrait qu’ils
bougeaient n’importe comment.
Les sens des plis du hakama
Plusieurs arts martiaux partagent la notion que chaque pli du hakama
représente une valeur morale et que prises dans leur globalité, ces
valeurs forment la base du code étique du guerrier.
L’origine des valeurs morales du guerrier japonais
Ce système de valeurs a probablement infusé les sociétés guerrières
du Japon en tant que sous-produit de l’introduction du Confucianisme
Chinois, en particulier le Wu-ch’ang (cinq constantes), qui représentent
les cinq valeurs cardinales servant de base à la société :
- Jen : empathie
- I : propriété
- Li : respect des rituels et traditions
- Chih : perspicacité, sagesse
- Hsin : confiance mutuelle
Plus tard, le célèbre homme d’épée japonais Musashi Miyamoto (宮本 武蔵,
1584-1645) fit siennes ces valeurs et il les écrivit dans son Livre des
Cinq Anneaux (Go Rin No Sho), les listant comme :
- Jin : bienveillance
- Gi : vérité et justice
- Rei : courtoisie
- Chi : sagesse
- Shin : piété
À partir de ce moment, ces valeurs semblent avoir été globalement
acceptées par l’ensemble de la classe guerrière de l’ere Tokugawa (徳川幕府
1600-1868) et ce, jusqu’à la restauration Meiji. Effectivement, ce code
moral a fortement décliné en même temps que la disparition de la classe
samourai, mais face à l’influence grandissante de l’occident et de sa
culture, un renouveau des valeurs chevaleresques s’est opéré pendant
l’ère Meiji, plus particulièrement grâce au livre de l’écrivain japonais
Nitobe Inazō (新渡戸 稲造) : Bushido, l’âme du Japon. C’est de plus ce
livre, écrit en Anglais, qui a présenté pour la première fois ces
concepts aux lecteurs occidentaux et ce n’est qu’ensuite que le livre a
trouvé son succès au Japon, permettant aux valeurs des samourai de
réinvestir les écoles d’arts martiaux, en particulier dans les
gendai-budo.
L’origine de l’association entre les valeurs confucéennes et les plis du hakama
Bien que l’adoption des valeurs confucéennes par la classe samourai
soit bien documentée, le point précis au cours duquel celles-ci se sont
vues associées aux plis du hakama reste obscur, et les historiens
pensent même qu’il s’agit en fait d’une invention récente datant de
l’ère Meiji. Si on se souvient que l’origine du hakama vient en partie
de la noblesse, et en partie du shinto, on s’aperçoit que l’association
des valeurs bouddhiques confucéennes et de l’uniforme shinto procure une
illustration très intéressante du syncrétisme qui a eu lieu au Japon
entre les deux systèmes de pensée.
Quelle que soit l’origine de cette association, plusieurs
instructeurs hauts-gradés ont écrit sur le sujet, dont Saotome Mitsugi
qui dans son livre : The Principles of Aikido, les énumère comme suit :
- Jin (仁) : bienveillance
- Gi (義) : honneur et justice
- Rei (礼) : courtoisie et étiquette
- Chi (智) : sagesse et intelligence
- Shin (信) : sincérité
- Chu (忠) : loyauté
- Koh (孝) : piété
Ceci est l’une des nombreuses variations sur le sujet. Étant donné la
difficulté à trouver des preuves historiques et la grande variété qui
existe en termes de nombre de valeurs et de plis dans un hakama, nous
devons donc être prudents dans l’établissement d’une quelconque liste «
exhaustive » ou « officielle ». Effectivement, d’autres listes
alternatives existent avec des nombres de plis différents, par exemple
celle utilisée en kendo et décrite par Inoue Masataka dans son livre :
Ken No Koe (la voix du sabre) :
- Chu (忠) : loyauté
- Ko (孝) : justice
- Jin (仁) : humanité, compassion
- Gi (義) : honneur
- Rei (礼) : respect
Le sens des plis du hakama en Daito-ryu aiki-jujutsu
Les
règles du Takumakai stipulent que les valeurs morales associées au
hakama consistent en les cinq citées précédemment tirées du
Confucianisme, plus une allouée au pli arrière qui représente le chemin
de sincérité que le pratiquant doit emprunter.
Même si le lien entre les plis et les valeurs morales n’est pas
clair, il est indéniable que celles-ci ont été adoptées par les samourai
et en tant que pratiquants de ko-budo, les pratiquants de Daito-ryu
aiki-jujutsu se doivent de les respecter.
Conclusion: Le hakama en tant que représentation physique de notre lignée et notre devoir
Nous avons vu précédemment que le hakama est un habit qui date de
l’ère Heian, ce qui est tout-à-fait contemporain au travail
révolutionnaire de Shinra Saburo Minamoto no Yoshimitsu (1045-1127), le
maitre qui est crédité avec la découverte du principe Aiki, et celui qui
a initié la transmission ininterrompue du Daito-ryu de génération en
génération. Le hakama peut donc être considéré par les pratiquants de
Daito-ryu comme le symbole de cette lignée et des connaissances
précieuses qui leur sont transmises par leurs aînés. Cette réflexion
doit donc provoquer un sentiment de reconnaissance et de respect pour
cette lignée d’enseignement millénaire ininterrompue qui nous a permis,
nous récents yudansha, de pouvoir apprendre le Daito-ryu aiki-jujutsu.
Le hakama est également un signe clair qu’en tant que pratiquants de
ko-budo, nous avons un intérêt et un respect profonds pour les coutumes
du passé. On ne doit jamais oublier que même au Japon, il est très rare
de porter un hakama et que par conséquent, les pratiquants de ko-budo
sont responsables pour la pérennité de cette tradition, et qu’il est de
leur devoir de la transmettre sans l’altérer.
Pour finir, pour moi, le hakama, au même titre qu’un grade, ne tient
sa valeur la plus véritable que dans le coeur de celui qui le reçoit, et
par rapport à celui qui le décerne. Plus qu’un signe de statut, il
s’agit de la représentation physique du lien entre enseignant et élève.
C’est pour cette raison qu’au-delà des preuves historiques et des
innovations en termes d’usage, le hakama porte toujours un sens très
fort. Il s’agit de la reconnaissance par nos pairs de notre capacité et
notre légitimité à marcher sur le chemin de l’Aiki.